Des offres touristiques repensées autour du train
Pollution, changement climatique, quête d’un tourisme de proximité et de sens… Le train se prépare une nouvelle jeunesse pour répondre à un souci écologique, à une nouvelle éthique du voyage qui émerge, en réaction aux crises. Le voyage en train a le vent en poupe pour se refaire une beauté. Ses côtés pratiques et la promesse d’une demande grandissante de la part des voyageurs, incite à créer de nouveaux modèles du voyage en train, ouvert sur le monde mais également vecteur de pénétration et de valorisation des territoires.
Les gares l’avaient anticipé. Depuis près de 20 ans, elles sont en mouvement, avant-gardistes dans l’accueil des voyageurs : véritables lieux de vie artistique et culturelle, elles se parent de leurs meilleurs atouts et présentent une fluidité de circulation et de communication pour accompagner les nouvelles pratiques. Ces grands espaces « courant d’air » ont su s’animer, se faire accueillants et pimpants entre expositions, musique, conseils… Le visage des gares en France a radicalement changé et il fait bon s’y promener et y débarquer pour une première découverte d’une ville. La gare donne le ton de l’ambiance d’une ville. Elle est souvent aussi le lieu de nouvelles expérimentations comme l’implantation de gares à vélo, de lieux de co-voiturage ou encore laboratoire d’architecture moderne ou de signalétique originale. Centre névralgique des villes et villages, elle en est souvent le point de repère et participe à leur développement économique, touristique et politique au-delà de son rôle social.
Depuis les années 70 Interail a un temps d’avance pour faciliter le voyage en train en Europe. A priori avantageuse, cette offre permet potentiellement de voyager dans 30 pays en un mois avec un billet unique grâce à une collaboration plutôt bien rôdée entre les compagnies ferroviaires d’Europe. Une formule sympathique pour vadrouiller l’esprit libre, découvrir l’Europe et ses paysages et rencontrer d’autres aventuriers du rail !
D’autres initiatives apparaissent comme celle de Charlotte Simoni qui a créé Globethik il y a cinq ans. Après plusieurs années à voyager comme journaliste, elle décide de créer la première agence de voyage pour proposer des circuits sur-mesure à l’étranger, en train, depuis la France. Elle offre une expérience différente du voyage tout en minimisant l’impact sur l’environnement pour les déplacements. Une fois sur place, elle concrétise cet engagement par le choix d’activités et d’hébergements labellisés écologiques pour ses clients.
Dans le même esprit, Slowbreak est une jeune entreprise en construction qui propose des week-ends à destination mystère à ses futurs clients en France, à moins de deux heures en train depuis Paris (pour l’instant). Elle est portée par Fatma et Mathilde, récemment diplômées d’un master d’éco-environnement après un passage par le programme « Rêve et Réalise » de l’association Unis-Cité, qui incite les jeunes à monter des projets à but social ou environnemental. Celui de Slowbreak se positionne sur la lutte contre l’impact environnemental du tourisme de masse et sur l’ESS.
Les séjours de ces nouvelles offres sont construits en collaboration avec des acteurs locaux responsables et valorisent des offres insolites. Le voyage dans sa globalité et le déplacement en particulier, prennnent alors sens avec les valeurs prônées par ces « pro-train », pour soutenir l’économie locale et faciliter les rencontres.
De nouveaux concepts alternatifs au service public se lancent également, comme avec l’initiative RAILCOOP, une coopérative créée en 2019 qui prévoit l’organisation de frêt passager et marchandise pour une ouverture à la concurrence sur tout le territoire dès 2022. Développer de nouveaux services et mailler à nouveau le territoire dans les gares non desservies, sont le credo de Railcoop qui considère le train comme un acteur majeur de la transition écologique et se définit comme une platefore engagée pour mobiliser tous les acteurs à partir du citoyen.
Les trains de nuit sont aussi en pleine réinvention. Sur les réseaux de train d’Allemagne et en France, ce modèle de déplacement sur des trajets nationaux ou européens s’envisage sérieusement avec la promesse de plus d’intimité, de confort et de régularité.
Une remontée en flèche près de 200 ans après les premiers rails
En France, la première ligne de voyageurs naît en 1837. C’est le début de la poussée des gares, les « petites villageoises » au charme absolu et les urbaines, cossues aux somptueux bâtiments emblématiques, symboles de la puissance de cet incontournable outil de conquête, pari d’une nouvelle mobilité révolutionnaire qui a pourtant ses détracteurs à l’époque.
La SNCF est créée en 1938.
L’univers du train nourrit toujours l’imaginaire collectif. Les aventures sur rails portent du rêve car elles ont contribué à l’ouverture sur le monde et favorisé sa découverte, avec l’avantage d’être accessibles à tous publics. Malgré les dessous sombres des conditions de construction du chemin de fer par les repris de justice ou les populations colonisées, comme en témoigne Ahmadou Kourouma dans son très beau livre « Monnè, Outrages et défis » (Seuil, 1990), le train reste un symbole de conquête. Ces machines dévoreuses de kilomètres et de terres, entretiennent leur mystère. Entre les tunnels cachés de la Gare de l’Est à Paris, les coulisses de la gare du film Hugot Cabret de Martin Scorsese sorti en 2011, le mythique Orient Express, ou la conquête du grand Ouest – malgré ses conséquences également tragiques -, elles laissent trainer un nuage d’aventure avec leur panache de fumée.
Vitesse et rentabilité vont avec le temps concurrencer plaisir, raffinement du voyage et service au territoire. Fermetures des petites lignes et abandon des gares, grèves et mouvements sociaux mettent parfois à mal l’image du train qui devient un outil de transport comme un autre avec ses déboires et ses désagréments.
Art et nostalgie du Voyage
Aujourd’hui, les grands nostalgiques prennent un plaisir enfantin à monter dans les « petits trains touristiques » pour se rendre à la plage ou découvrir une ville ou un site de visite, comme pour le futur projet du petit train de Martel dans le Lot. Ces moyens de locomotion constituent un atout avéré dans l’accueil touristique et dans la lutte contre pollution et les problèmes de circulation ou la gestion de flux.
Pour de vrais déplacements qui font l’éloge de la lenteur, le Guide du train touristique offre un panorama de l‘alternative au voyage en avion chaque année, pour reprendre contact avec le voyage à petite vitesse et rencontrer les territoires, leur histoire et leur diversité.
La réhabilitation de gares abandonnées donne lieu à des projets sociaux et écologiques nombreux : de Balnot-sur-Laignes dans l’Aube, ancienne gare de la commune abandonnée et léguée aux Eclaireurs et Eclaireuses de France comme local de vacances pour les jeunes d’ici et d’ailleurs, à la Recyclerie, tiers-lieu d’expérimentation en tout genre dédié à l’éco-responsabilité installé dans l’ancienne gare de la petite couronne porte de Clignancourt à Paris et bien d’autres… Ces lieux d’histoire et de vie redeviennent des lieux de rassemblement et d’engagement.
Sans compter les friches ferroviaires qui se visitent, remises à l’honneur avec l’engouement des touristes pour le passé industriel, ni les gares transformées en lieux culturels comme le classique Musée d’Orsay ou les petites inconnues.
Les trains ont leurs musées très plébiscités : la Cité du train – patrimoine SNCF de Mulhouse ouvert en 1976, plus grand musée ferroviaire d’Europe ou celui de Gijon en Espagne ouvert en 1998 pour raconter l’épopée du transport et l’essor du train pendant la révolution industrielle et son évolution face à la mondialisation. Les caricatures d’Albert Dubout qui croquent les péripéties des voyages d’antan dans le train à vapeur qui rejoignait Montpellier à Palavas les Flots font toujours sourire au musée Dubout.
Aujourd’hui, plus qu’un moyen de transport le train est un choix engagé et logique qui contribue à accompagner la mobilité douce ainsi que le tourisme de proximité et le slowtourisme. Pour les professionnels, c’est un choix simple pour baisser son empreinte carbone et faciliter ses déplacements. S’il manque encore des destinations possibles, des horaires adaptés à nos besoins, choisir le train c’est encourager les innovations techniques et technologiques et les initiatives commerciales et touristiques. C’est aussi pousser les nouvelles pratiques. L’univers du train correspond à une philosophie du voyage, qu’on apprend à se réapproprier, pour en savourer le temps, le dépaysement, la rencontre. Une prise de conscience qu’un autre rapport au voyage est possible, plus lent ou décalé.