Rétrospective sur la naissance d’une Micro-Folie. Le pari réussi de la CCAMR

Publié le

Des territoires en mouvement avec les Micro-Folies

La Micro-Folie est un dispositif culturel innovant porté par le Ministère de la Culture et coordonné par la Villette depuis 2017. Le premier modèle a été proposé à Sevran. La Micro-Folie est un modèle de musée numérique mobile qui s’installe très simplement sur un territoire et qui apporte une ouverture et une rencontre avec la culture là où elle n’est pas toujours accessible. Parallèlement, la Micro-Folie dynamise les territoires en animant des évènements auprès des publics locaux et peut jouer un rôle de catalyseur de la promotion des ressources locales.

Une Micro-Folie nécessite seulement quelques équipements qui s’adaptent à tous types de lieux : tablettes numériques, piétements, grand écran, projecteur et petits tabourets. Le rouge est la couleur de mise. Un clin d’œil à la Villette et ses célèbres petits cubes !

Le contenu présenté et offert aux publics est celui de milliers d’œuvres tirés des collections de RMN, du Louvre, du Centre Pompidou, du Musée du Quai Branly, de l’Opéra de Paris ou encore du Festival Avignon et bien d’autres… Cet ensemble de collections constitue un musée numérique inédit dans son format et sa capacité de croisement des œuvres. Cette collaboration de nombreuses institutions culturelles est une opportunité pour faire connaître les œuvres, les sites culturels mais également pour diffuser la culture et en offrir une approche novatrice.

Déployé en quelques heures, le matériel s’adapte à tous les lieux et peut intégrer une structure déjà existante comme une médiathèque, un cinéma, une boutique, un espace municipal (mairie, salle des fêtes, MJC…), une classe ou encore un centre commercial. L’idéal est un espace pouvant accueillir l’équivalent d’une classe soit une trentaine de personnes assises. Plus spacieux, l’espace modulable peut alors être le lieu d’autres expériences en lien avec le rôle premier de la Microfolie et devenir le temps d’une rencontre, un espace d’atelier ou d’exposition, d’une performance avec un artiste, un fablab, une salle de conférence, un café,… toujours dans un esprit convivial, ludique et pédagogique autour de la rencontre et l’échange. Il peut alors être investi par les associations locales qui y proposent parallèlement aux animations sur le musée numérique, une offre adaptée d’activités culturelles.

L’animation de la Micro-Folie nécessite la présence de médiateurs culturels qui préparent en amont des animations autour d’œuvres adaptées et ciblées en fonction des publics de visiteurs. Le contenu peut s’appréhender en mode libre ou en mode conférencier, ce dernier étant privilégié pour entrer dans les secrets des œuvres et proposer un programme cohérent autour d’une thématique. Auprès des scolaires, résidents d’Ehpad, adhérents d’associations, touristes ou grand public, tout type de médiation peut être envisagé selon des thèmes à inventer autour des œuvres et souvent en lien avec le patrimoine local. La Micro-Folie fait ainsi office de lieu de vie, de rencontre, parfois de tiers-lieu, ouvert à tous. Elle se définit comme un lieu culturel de proximité.

Les 117 Micro-Folies de métropole constituent un véritable réseau culturel national en lien les unes avec les autres pour promouvoir les bonnes pratiques et les bonnes idées, du montage, à l’animation d’une structure.

Une opportunité aux multiples facettes pour la CCAMR

La Communauté de Communes d’Arcis-Mailly-Ramerupt (CCAMR), créée en 2017, regroupe 39 communes et 12000 habitants dans le nord du Département de l’Aube. En 2019 elle a entrepris une étude sur la valorisation touristique de son territoire afin de développer son attractivité et de lui donner une identité cohérente et forte.

CulturistiQ a accompagné la Direction du Tourisme de la CCAMR et son comité d’experts sur la partie ingénierie pour définir ensemble une stratégie touristique qui s’est orientée sur le tourisme culturel et l’agritourisme. Un double positionnement a été retenu pour faire de la CCAMR à la fois :  

  • Un laboratoire de création de richesses autour du slow tourisme en imaginant des actions offensives pour enrichir la destination de manière durable et locale
  • Un laboratoire social pour susciter des initiatives et collaborations pour être en mesure d’animer le projet touristique et lutter contre la précarité sociale en faisant adhérer et participer les habitants à leur patrimoine

Plusieurs pistes de valorisation sont à l’étude pour mettre en œuvre cette stratégie de la Route de la Craie, marque touristique territoriale de la CCAMR. Chaque projet de développement choisi par les acteurs de la CCAMR est depuis, invité à décliner ces deux axes en répondant aux critères suivants : accueil, loisir, expérience, local, collaboration, innovation, économie, communication.

En octobre 2019, CulturistiQ a rencontré l’équipe de la Villette en charge des Micro-Folies, un concept qui lui a semblé cocher toutes les cases du positionnement de la CCAMR.  Aussi, dans le cadre de sa mission de conseil et d’accompagnement, CulturistiQ a promu l’intégration d’une Micro-Folie dans la stratégie touristique et culturelle de la CCAMR auprès des élus et du groupe de travail. Outil de choix pour l’animation des 39 communes, la Micro-Folie répondait également aux critères de sélection du territoire par la Villette qui favorise des territoires ruraux, éloignés d’offres culturelles et peu ou mal desservis par les transports.

Matériel Micro-Folie ©Bertille Frick

Les étapes du montage

Le rôle de CulturistiQ consistait à soutenir la mise en place de la Micro-Folie dans la proposition de solutions d’animation et de valorisation du dispositif.

Première étape franchie en 2019 : un engagement a été signé par la CCAMR avec la Villette. Il s’agissait ensuite de savoir où et comment décliner le concept sur le territoire : un lieu dédié idéal restait à trouver, capable de prendre en considération la configuration du territoire constitué d’une multitude de communes. L’idée d’une Micro-Folie itinérante a alors commencé à faire son chemin… La troisième étape résidait dans le recrutement de l’équipe compétente pour porter et animer le projet.

Parallèlement le groupe a travaillé sur les besoins de financement. D’un montant variant de 35000€ à 50000€, l’investissement d’une Micro-Folie bénéficie de financements de la part des Départements, Régions et du Ministère de la Cohésion des territoires jusqu’à 80%, ainsi qu’une prise en charge de la formation des équipes par la Villette.

Pour mieux appréhender le projet dans sa globalité, la CCAMR a choisi d’intégrer immédiatement le réseau et de bénéficier des bonnes pratiques d’autres Micro-Folies. L’équipe a rencontré celles de Carignan et de Vitry-le-François situées dans les départements limitrophes. L’occasion de tester les outils, de mieux définir le budget et de comprendre les attentes et les choix réalisés en matière d’animation.

Micro-Folie présentation aux élus mars 2021 ©CCAMR

Difficultés, démarches et solutions

Recherche d’un local, dans l’idéal ouvert sur la cité, lieu de passage animé, accessible à un large public, bénéficiant d’une équipe professionnelle et du soutien des acteurs culturels locaux : de la médiathèque d’Arcis-sur-Aube, à la piscine, au Futur Espace France Services en construction, la question s’est longtemps posée… Pour aboutir au choix d’une salle de réunion attenante à la médiathèque qui répond en partie aux critères de base. Ce choix n’est que temporaire puisque l’équipe s’oriente finalement sur un modèle de Micro-Folie itinérante, mobile sur le territoire pour une plus grande proximité avec ses 39 communes.

Animation et promotion du dispositif. Au départ, l’idée d’une Micro-Folie portée par la Médiathèque locale permettait de donner un cadre au projet, mais les équipes en interne ne pouvaient suffire à l’animation du dispositif. Les Micro-Folies voisines disposaient d’un service civique de 25 heures hebdomadaires. Faute de pouvoir s’appuyer sur ces solution, CulturistiQ a préconisé pour la CCAMR, un partenariat avec le Master Patrimoine et Musées, parcours patrimoine et médiation culturelle de l’Université des Comtes de Champagne de Troyes (Université de Reims Champagne Ardenne). Le projet a été présenté aux étudiants en septembre 2020 et trois étudiantes se sont portées volontaires pour effectuer un projet professionnel d’octobre 2020 à avril 2021.

Livret pédagogique MF©Claire Mc Carthy

Un projet moteur et fédérateur

L’équipe s’étoffe. Christelle Allais, guide-conférencière locale, a été recrutée sur des vacations pour encadrer les étudiantes. Malgré son embauche tardive due à la crise sanitaire, les étudiantes ont participé sous sa responsabilité, au montage et à l’animation de la Micro-Folie dans son intégralité.

CulturistiQ a alors passé le relais à la nouvelle équipe en place. La date d’ouverture officielle de la Micro-Folie est dorénavant fixée à début septembre 2021, en fonction de la date de livraison du matériel définitif. En vue de l’inauguration, l’équipe a testé le dispositif en mars et avril 2021 respectivement devant une classe de CM1 et devant les élus du Conseil Communautaire.

Seules au départ, sans lieu défini, les étudiantes ont fait preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’initiatives remarquées pour remplir leur mission. Il leur incombait de participer à la prise en main du dispositif, de concevoir et animer des parcours et médiations culturelles et de sensibiliser et promouvoir le dispositif auprès des publics. Dans l’attente du lieu dédié et du matériel, elles ont pris le parti de procéder à un audit du patrimoine local et des cibles potentielles grâce à un travail de recherche conséquent. La situation s’est décantée en janvier 2020 et elles ont ensuite pu travailler directement sur les œuvres grâce à un prêt de matériel par la Villette.

Sur le volet de création des médiations culturelles, elles ont cherché à adapter les contenus culturels numériques du dispositif aux richesses du patrimoine local en poursuivant un double objectif : créer des passerelles avec l’histoire et la culture locales et répondre aux programmes de l’Education Nationale. En effet le cahier des charges de la CCAMR portait sur une offre à développer auprès du public scolaire (cycles 2 et 3). La création de contenus leur a demandé plusieurs mois de travail pour développer 4 thèmes :

  • « Le paysage dans l’art » : Bertille Frick a ainsi choisi de valoriser le circuit de randonnée des Hautes Rives, de 10 km reliant Nogent-sur-Seine à Morembert, ouvert en août 2020, pour créer des passerelles avec des oeuvres présentes dans les collections.
  • « Les émotions » proposé par Claire Mc Carthy Legein
  •  « Les petits détails qui font les chefs d’œuvres », associé à une visite locale du patrimoine en extérieur
  • « La vie de château », restant à finaliser

Sur les conseils de Christelle Allais et ceux de la référente culture de l’Inspection académique de l’Aube, elles ont pu construire une médiation test en deux temps sur une durée de 2h30 auprès de 27 élèves :

  • 1 heure d’animation sur le thème « Les petits détails qui font les chefs d’œuvres » via le musée numérique en mode conférencier, pour une approche d’un corpus d’œuvres choisies dans le catalogue du dispositif
  • 1h30 de d’activité pédagogique dans la commune d’Arcis-sur-Aube pour observer in situ, les détails architecturaux abordés au préalable dans les œuvres numériques

Cette médiation grandeur nature a permis de tester à la fois le matériel, la capacité et les besoins d’accueil et la pertinence des thématiques choisies. Totalement dans leur élément, la responsable projet et les trois étudiantes ont pris un réel plaisir à échanger avec la classe préparée en amont par leur enseignante. De leur point de vue, l’utilisation des tablettes numériques a l’avantage d’être très intuitif auprès des jeunes publics. La qualité de la définition permet de zoomer pour observer les détails. Elles ont su retenir l’attention des élèves grâce au contenu et à la forme de la médiation proposée. Le musée numérique est pour Charlotte Renard, un outil qui offre l’avantage d’aller beaucoup plus loin qu’en cours sur une image. Christelle Allais, très heureuse d’avoir rejoint l’aventure, est impressionnée par le côté pratique de l’outil, conçu à la manière d’un matériel de spectacle.

A l’issue de ce projet professionnel qui couronne leur deuxième année de Master, Bertille et Charlotte poursuivent sur leur lancée avec un stage auprès de la CCAMR dans l’objectif de conforter l’offre de la Microfolie : terminer les quatre thématiques de médiation et décliner ces offres à des publics plus larges (familles, associations, résidents d’Ehpad…). En effet, Christelle Allais confirme que l’engouement des élus, des communes et du public est réel. Reste à construire une offre concrète et plurielle en maîtrisant l’outil. Le travail d’équipe se poursuit avec la même intensité entre la guide-conférencière et les étudiantes, une rencontre inattendue et réciproquement enrichissante, l’une apportant méthodologie et conseils, les secondes, une approche décomplexée du numérique.

Médiation culturelle en extérieur @CCAMR

Et maintenant…

La Micro-Folie de la CCAMR est la première Microfolie installée dans l’Aube. Malgré la période de crise sanitaire, Anne Loiseau, vice-présidente de la CCAMR chargée des affaires culturelles et du tourisme, se réjouit d’une mise en place certes progressive mais volontaire et créative autour d’un travail d’équipe réussi, entre élus, étudiants, enseignants, professionnels…

Le territoire de la CCAMR, en déficit d’image dans le Département de l’Aube, affirme ainsi clairement son positionnement comme laboratoire de tendances innovantes. D’autres Micro-Folies sont depuis, en cours de montage dans le Département.

Devenue pilote sur le territoire, la CCAMR a rapidement fait évoluer les moyens d’accompagnement du projet. Un emploi a déjà été créé pour l’animation. A terme, la CCAMR devra pouvoir anticiper les demandes qui s’annoncent nombreuses, en intégrant les besoins concernant le volet animation culturelle et ceux du volet logistique, notamment si la structure est mobile.

En nouant un partenariat avec un établissement universitaire local, le projet a à la fois bénéficié du savoir-faire et de la créativité des étudiantes et offert des opportunités d’apprentissage et d’expériences uniques aux jeunes. Une première expérience grandeur nature particulièrement gratifiante pour les étudiantes au travers d’un projet multi-acteurs très formateur et l’acquisition de compétences utiles à leur futur métier de médiatrices culturelles. Malgré les déboires et l’incertitude des débuts, elles ont géré le montage de la Micro-Folie dans toutes ses composantes : de l’élaboration du cahier des charges, à la rédaction du budget des animations, en passant par la réalisation du rétro-planning …

Au-delà de l’outil, elles ont intégré l’importance de la responsabilité du médiateur face au public. La médiation en mode conférencier reste la clé du succès des Micro-Folies pour Bertille Frick. Claire Mc Carthy insiste sur le rôle du médiateur pour « donner envie aux publics d’aller voir ces œuvres en vrai, ou de se rendre tout simplement au musée le plus proche ». Anne Loiseau se félicite que le public, enfant ou adulte, ait répondu si positivement, « un encouragement pour poursuivre cette belle aventure culturelle ». C’est la raison pour laquelle Christelle Allais souligne l’importance de continuer à « donner à la Micro-Folie toute sa dimension en tant que projet vivant ».

La Micro-Folie constitue un modèle de dispositif numérique intelligent, interactif, inclusif et ouvert, à l’avenir prometteur. Il adopte un positionnement « promotion/développement du territoire » qui prend en compte la dimension de la participation des habitants invités à s’impliquer à leur tour dans l’animation (associations, écoles…). Tout est envisageable. Son volet médiation/transmission offre une réelle opportunité de dialogue, essentielle dans l’usage des supports numériques.

Localement, la Micro-Folie de la CCAMR prendra certainement la forme d’un tiers lieu itinérant original pour irriguer et animer tout le territoire en grande partie rural. En choisissant de dynamiser le territoire par l’enrichissement de ses habitants, la CCAMR s’est inscrite dans un grand réseau culturel vertueux de proximité. Un exemple à suivre !

Merci Anne LOISEAU, vice-présidente de la CCAMR chargée des affaires culturelles et du tourisme, à Annabelle MILLET chargée de communication à la CCAMR, à Christelle ALLAIS, animatrice et guide-conférencière à la CCAMR et aux étudiantes du Master Patrimoine et Musées, parcours patrimoine et médiation culturelle de l’Université des Comtes de Champagne de Troyes (Université de Reims Champagne Ardenne), Claire MC CARTHY LEGEIN, Bertille FRICK et Charlotte RENARD pour leurs témoignages et leur investissement dans ce projet

Pour prendre des renseignements sur les Micro-Folies, écrire à micro-folie@villette.com

Photo en une ©MF Sevran – musée numérique © Arnaud Robin

à propos de

Delphine YAGÜE

Consultante en ingénierie culturelle et touristique - Fondatrice de CulturistiQ

Delphine YAGÜE a créé CulturistiQ Laboratoire culturel en 2016 à l’issue de 20 années professionnelles dans la gestion de projets.

Issue d’une double formation en marketing et en histoire des sociétés et religions, elle est également guide-conférencière (GC 2110005P) et formatrice agréée par le CEJI (projet européen Networks Overcoming Antisemitism) pour la lutte contre l’antisémitisme.

Sa vision globale de vos besoins révèle la personnalité de vos projets pour mieux les adapter à vos publics et clients.

En janvier 2021, Delphine Yagüe a été décorée de la Médaille du Tourisme échelon bronze pour ses missions et engagements.